Extraits du dictionnaire historique et archéologique des paroisses du diocèse de Tulle par l’Abbé J. B. Poulbrière

Imprimerie Chastrusse (Brive) 1965 Tome II


[   SOURSAC                                        549


    Une autre cloche, la 3è, portait la date de 1736, avec une inscription incomplète que je ne donne pas.

    Un Bernard Sargueil, prêtre, avait fondé dans la chapelle de saint Barthélemy une vicairie dont le prieur-curé conférait le titre.

Cette chapelle faisait partie de l'ancienne église; mais il y en avait une rurale en 1611 « dans un lieu presque inaccessible », où elle se trouvait aussi « quasi ruinee » ; on y honorait sainte Madeleine. Ce lieu serait, paraît-il, les Plainettes, dans des gorges profondes de la paroisse, au bord de la Dordogne, un peu en amont du village où se trouve actuellement cet oratoire: il y fut transféré par permission de 1688. Le village s'appelait la Mirande-Basse et portait surtout le nom de Naugenac, qui est seul resté. Ce fut au dernier siècle une seigneurie des Delmas, d'Ussel, et l'on y voit aujourd'hui un pont en fil de fer, succédant à un port. Je trouve Jeanne Vedrenne, pieuse veuve de Soursac, donnant, le 2 février 1696, « à la réparation (une pierre de la façade porte le millésime 1695) de la chapelle de la Madalaine, située au village de Naugenas » deux nappes, des grains qu'on lui devait et sept livres qu'elle avait aussi de créance chez un habitant du lieu. Le service de l'autel valait au curé de Soursac une dîme de 150 livres. En 1845, la chapelle, livrée à l'abandon depuis la néfaste époque de la Terreur, a été rétablie, et chaque année, le 22 juillet, jour de la fête de sa patronne, il s'y fait de l'Auvergne, limitrophe, et du Limousin un pèlerinage assez considérable. Les gabarriers de la Dordogne l'ont en grande vénération. M. Laroche, curé de la paroisse, lui a consacré un certain nombre de pages dans sa brochure intitulée: Sainte Marie-Madeleine et son sanctuaire de Nauzenac, in-12. Bar-le-Duc. 1878. Je prends là l'inscription de la petite cloche:

SANCTA MARiA MAGDALENA, ORA PRO NOBIS. - 1703.

C'est à Naugenac, ancien port, disais-je tout à l'heure, intermédiaire entre Mauriac et Soursac, que dut avoir lieu l'accident par lequel fut convertie la fameuse et héroïque pieuse fille de Mauriac qui porte le nom vénéré de Catinon-Menette, M. l'abbé Serres, son historien, raconte qu'elle allait s'ébattre à la fête votive de Soursac, lorsque, sur la Dordogne, chavira la barque qui la portait aux plaisirs. Sauvée à grand’peine, elle promit à Dieu une vie qui lui fut des lors admirablement consacrée jusqu'à l'âge voisin de la décrépitude.

L'historien des Miracles de Notre-Dame de Mauriac (p. 31) raconte encore le fait suivant probablement passé à Naugenac : « Vers la fin du XVIIIè siècle, un habitant du village de Serre, paroisse de Mauriac, se rendait à Soursac en Limousin. Arrivé sur les bords de la Dordogne, il monte dans une barque et s'élance sur les flots. Mais les flots grossis par les pluies grondent furieux et menacent d'engloutir la nacelle éperdue. Le téméraire passager, dans cette extrémité, se recommande instamment à Notre-dame des Miracles, et soudain le bateau est porté sain et sauf sur la rive opposée. Le voyageur, persuadé qu'il devait son salut à Notre-dame, en témoignage de sa reconnaissance, offre à sa libératrice une petite barque en argent sur laquelle était représenté un homme penché sur des abîmes. Cet ex-voto a disparu pendant la Révolution. »



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Autre souvenir, beaucoup plus rapproché de nous, mais beaucoup moins joyeux. En 1865 ou 1866, trois gabarriers de la haute Dordogne descendaient en bateau chargé "au pays bas". C'était la sainte matinée de Noël et l'un d'eux, sentant combien un jour pareil était tristement pris pour faire ce voyage, dit à ses compagnons en arrivant devant la chapelle de Naugenac : " Camarades, le moindre des devoirs que nous rappel ce lieu est bien, en une fête de Noël, de faire notre prière matinale pour moi je la fais. Des deux hommes restants, l'un imite cet exemple l'autre se borne à sourire. On parvient au gros village d'Espontours, paroisse encore de Soursac. Là se trouve, sur la route de Tulle à Mauriac un autre ancien port favorisé depuis une cinquantaine d'années d’un pont de pierre à plusieurs arches, jeté sur un courant des plus impétueux

Nos malheureux bateliers, qui n'auraient eu, me disait en 1867 un homme du métier, qu'à tenir sans bouger leur bateau droit pour filer comme une flèche sous les arches, manœuvrèrent de façon à le jeter en travers d'une des piles, mais avec une telle horizontalité qu'il ne put prendre le fil de l'eau ni d'un côté ni de l'autre et fut submergé en  un instant par la furie des flots grossis qui l'envahirent. Des trois bateliers ceux qui avaient fait leur prière du matin, se sauvèrent à la nage, on ne put même retrouver le cadavre du troisième.

Le village où se passa ce fait tire son nom des essais de ponts sur la Dordogne qui s'y firent à date reculée : Es Pontours, aux petits ponts. II occupe un vallon légèrement incliné vers sa rivière, ceint de hautes montagnes, riant à l'œil, traversé par une route et que sa population de plus de 300 âmes, en même temps que sa distance considérable du bourg dont il dépend (deux heures de chemin) rendraient très avantageusement le centre d'une petite paroisse.

Il n'y avait là, depuis le milieu de ce siècle, qu'une étroite chapelle intérieure, absolument domestique, qu'avait aménagée l'honorable famille Chamfeuil pour un prêtre malade de son rang, mort le 14 août 1855. On y disait parfois la messe après cette mort et tout à côté se trouvait une sorte d'école où Mlle Claudine Chamfeuil, digne sœur de ce prêtre instruisait des vérités chrétiennes les enfants du village. Quand elle eut décédé, elle aussi, une sœur garde-malades de Saint-Projet vint hériter de tous les offices de bienfaisance de cette charitable personne. C’est ce qui amena, sans qu'on s'en fût douté, la construction d'une église publique.

En 1890, en effet, et avec la permission de Mgr Denéchau, le prêtre fondateur des Sœurs de Saint-Projet, M. Jean-Baptiste Serres que je citais ci-dessus et qu'avait sollicité vivement le village, posait la première pierre de ce petit édifice, le 25 mars, jour de l'Annonciation ; il en bénissait la charpente le 24 juin, fête de saint Jean-Baptiste, qu'il donnait pour patron; et l'année suivante, en la vigile de la solennité M. Fortunade, chanoine délégué de l'Evêque, venait présider à l'inauguration. On avait désormais pour un village d'environ 80 feux, dût-il même devenir centre d'une paroisse, une église bien suffisante, de 24 mètres de longueur, en forme de croix et rehaussée d'une flèche de 24 mètres. Style gothique des plus purs, à ce que l'on en dit. ]



[….Extrait de la p. 552…

552                                        SOURSAC


NOTES COMPLEMENTAIRES


    Le court billet que voici indique qu’avant sa translation à Naugenac (1688) la chapelle de Sainte-Madeleine portait le nom de Bonlieu, ou comme on lit ailleurs, de Beaulieu (ne pas la confondre toutefois avec Sainte-Madeleine de Beaulieu, au canton de Champs, Cantal) :

                                                …]



SOURSAC                                         553

«  A Monsieur Messire Fransès Gay [prêtre], à Sourssac.

« Messire Fransès, - Je vous prie de prendre la payne de aler demain, jour de Ste Madellène, à la chapelle de Bounlieu dire la messe pour moy à l'autel de Ste Madellene et prandre les reliques pour moy. Je ne vous envoie pas l'argan de la messe, mes je vous le balieré à nostre première venue ou bien vous l'anvoieré. Je vous priie, n'y manqués pas et croies-moy, Monsieur.

«  Vostre très humble servante,

                                                                                            «  M. DE CHAZELLES.



«  De Durfort, dimanche matin [21 juillet] 1669. »

Marie de Chazelles avait épousé. le 23 octobre 1656, au château d'Auzères (Cantal), Léonard de la Majorie-Soursac, fils et successeur à Durfort d'Arnaud de la Majorie-Pebeyre. Par le mot consacré de prendre les reliques, elle entendait ici retenir par dévotion le vêtement de la statue de la sainte, en s'engageant à le remplacer par un nouveau.

Le nom, disparu aujourd'hui, de la Mirande-Basse que donne Nadaud à la partition probable du vieux village de Naugenac où fut transférée la chapelle, dut tenir à la possession qu'en avait et au don que fit sans doute de remplacement la famille Mirande : famille au nom de laquelle se rattache encore le village de la Mirande [Haute], au-dessus de Naugenac. Une raison de cette conjecture se tirerait du fait suivant: Antoine Mirande, « bourgeois du lieu de Naugenac », afferme, !e 25 mai 1731, à Jean Roche, marchand du même village, une habitation et divers biens qu'il y possède ; il comprend dans cette ferme sa part du passage du port, mais il se réserve en finissant de semer une carte de chenevis dans le jardin de la chapelle.

Gardons-nous cependant de conclure de ce texte que la chapelle fût privée : un oratoire privé n'est pas réparé par le public. Or on a déjà lu le don fait en 1696 pour la réparation de celui-ci et en voici un autre postérieur : le 31 août 1742, Michel Debernard, journalier du village du Mont, laisse par testament trois livres « pour la réparation de la chapelle de Naugenas.» J'ai ces diverses pièces en mes archives.

D'après ce qu'on me dit, une sœur garde-malades de Saint-Projet réside aujourd'hui à Naugenac et y fait le même bien que sa consœur à Espontours.


                                                                  


  


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